C’est un soulagement pour l’agriculteur Paul François, céréalier de Charente : la Cour de cassation a clôturé ce mercredi le long feuilleton judiciaire en lui donnant raison dans le litige qui l’opposait depuis 13 ans à Monsanto. Le géant de la biochimie est donc définitivement condamné ! Dans une procédure distincte, la justice va maintenant devoir statuer sur le montant des dommages et intérêts qui seront versés à l’agriculteur.
Une intoxication aux vapeurs de l’herbicide Lasso
Pour une fois, ce n’est pas le Round-Up qui était en cause, mais le Lasso, un autre herbicide commercialisé par Monsanto. En ouvrant une cuve, l’agriculteur Paul François a subi une intoxication en avril 2004 après avoir inhalé des vapeurs du produit chimique, qui sera interdit en France trois ans plus tard. A l’étranger, l’herbicide avait été banni du Canada dès 1985, puis en Belgique et au Royaume-Uni en 1992.
En 2004, cette intoxication aiguë conduit Paul François aux urgences, crachant du sang. Après plusieurs malaises, il a été longuement hospitalisé et frôlera même la mort. Il déclare depuis souffrir de graves troubles neurologiques, conséquence des inhalations.
La raison supposée de son empoisonnement : le monochlorobenzène, un solvant toxique, qui représente « 50 % de la composition » du Lasso alors qu’il était cité sans autre avertissement sur l’étiquette du produit.
Dans son combat judiciaire débuté en 2007, le céréalier charentais accusait donc la marque américaine Monsanto, rachetée en 2018 par le géant agrochimique allemand Bayer, d’être responsable de son intoxication et réclamait plus d’un million d’euros de dommages et intérêts.
Un marathon judiciaire de 13 ans
En 13 ans, Paul François avait déjà gagné trois fois devant la justice : d’abord en première instance en 2012 puis en appel en 2015, à la suite de quoi Monsanto s’était pourvu une première fois en cassation.
Puis, en avril 2019, la Cour d’appel de Lyon reconnaît Monsanto responsable du dommage causé à Paul François, sur le fondement de « la responsabilité du fait de produits défectueux ». Il s’agissait alors d’une première en France. C’est alors Bayer, maintenant propriétaire de Monsanto, qui a formé un deuxième pourvoi pour contester la décision devant la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire.
La Cour de Cassation a définitivement tranché le conflit aujourd’hui : il est bien de la responsabilité du groupe agro-chimique de signaler le danger spécifique lié à l’utilisation de ses produits. Cependant, elle ne s’est pas prononcé sur la toxicité-même de l’herbicide, au grand dam des associations.
Une prochaine audience tranchera sur le montant de l’indemnisation à verser à l’agriculteur. Voici donc un procès que le géant de l’agro-chimie n’a pas pu clôturer à grand renfort de compensations financières, à l’instar de sa stratégie développée pour les litiges juridiques liés au glyphosate.