Plateforme d’e-commerce : un avis sans réserve

Le commissaire enquêteur vient de rendre un avis favorable sans réserve : plus rien ne devrait s’opposer à la création d’une plateforme logistique d’e-commerce à Ensisheim. Michel Habig, maire de la commune, se prépare à signer le permis de construire.

L’enquête publique sur le projet porté par Eurovia 16 Projet à Ensisheim – un bâtiment logistique de 190 000 m² sur 4 niveaux et 16 ha de terrain – aura été étrange. Ouverte le 19 février à 9 h, elle a été suspendue le 20 mars à 12 h 30, pour cause de crise sanitaire. Pendant cette période-là, « nous n’avons reçu aucune personne et aucune motion n’a été portée sur les différents registres », écrit Jean Schelcher, le commissaire enquêteur dans son rapport. « Il restait deux jours, elle a dû être relancée pendant neuf jours. C’est là qu’on a eu quelques manifestations d’humeur… », indique Michel Habig, maire d’Ensisheim et président de la communauté de communes.

Le rejet du modèle de l’e-commerce

Les registres sont à la hauteur de l’humeur. Pendant ces quelques jours, 323 motions sont déposées, dont 312 sur les registres dématérialisés. Toutes « demandaient l’abandon du projet », souligne le commissaire enquêteur. Les contributeurs pointent la disparition des terres agricoles (247 mentions), l’augmentation des gaz à effet de serre dus aux poids lourds (175), l’atteinte à la biodiversité (72), le nom d’utilisateur final tenu secret (72), des doutes sur les emplois créés (68) ou encore le refus du modèle Amazon (63), les conditions de travail (51), la destruction de l’emploi local (51) ou encore des doutes sur la fiscalité (29). Outre les questions environnementales, le commissaire dénombre 278 contributions liées au « rejet du modèle de l’e-commerce lié au nom de la société Amazon ».

Parallèlement, il contextualise. Il rappelle que le projet « représente pour les collectivités concernées une opportunité sur le plan de l’emploi » mais aussi que la création de la zone est « fléchée depuis plus de trente ans », que le projet est accompagné par l’ADIRA et les services du département dans sa partie accès routier et qu’il « vient compléter une zone déjà très attractive ». En conclusion, il considère que « ce projet amène un impact positif pour la collectivité et la population, et ce dans le respect des règles ». Et de prononcer un avis favorable, sans réserve.

Pas une extension ni « un caprice »

Michel Habig est évidemment « satisfait ». Mais il ne comprend toujours pas cette levée de boucliers soudaine : « La zone d’activité fait 100 ha. C’est ce qui est prévu depuis le début. Rien n’a changé, ce n’est pas une extension. D’ailleurs, on n’ira pas plus loin. C’est juste qu’on aménage au fil des demandes. Mais ça ne sort pas d’un chapeau, ce n’est pas un caprice de ma part », martèle l’élu, fier d’accueillir déjà sur cette zone des entreprises comme Bubendorff, Actemium ou THK. Et qui accueillera très bientôt Delticom.

Les emplois promis comptent aussi pour l’élu : « La zone avait été imaginée notamment dans le cadre de la reconversion des Mines de potasse. Puis il y a eu la crise en 2007-2008. Les choses repartaient mais avec la crise actuelle et la remontée des bénéficiaires du RSA, c’est important. On nous annonce au moins 500 nouveaux emplois, aussi bien des postes qualifiés que de manutentionnaires. » Pour lui, ça ne se refuse pas.

« Depuis que le nom d’Amazon est sorti, j’ai l’impression que les gens se réveillent. Mais ça peut aussi bien être Cdiscount ou Alibaba. » Quant aux camions, il balaie l’argument d’un revers de main : « Ils seront à 300 mètres de l’échangeur ! » Maintenant, ce qu’il attend, c’est de « signer le permis de construire ».

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Les opposants, déçus, restent déterminés

Chez les opposants au projet d’installation d’une plateforme logistique d’e-commerce à Ensisheim, l’avis favorable sans réserve émis par le commissaire enquêteur Jean Schelcher passe mal. « Dans nos échanges avec lui, nous pensions percevoir un intérêt et une compréhension », explique Alain Diot, d’Alternatiba Soultz, l’une des associations qui a rejoint le collectif RUCSSA (Réseau urgence climatique et social Sud Alsace), fraîchement créé pour s’élever contre ce type de projet.

C’est avec une certaine amertume qu’Alain Diot constate que toutes leurs remarques et remontées « ont été balayées d’un simple revers de main ». Et d’enfoncer le clou : « Pour moi, c’est un avis pitoyable, au vu du contexte actuel et des préoccupations des Français. Ce projet va à l’encontre des demandes des citoyens, qui veulent un retour à la vie dans les centres-villes. »

Josiane Kieffer, de l’association CLCV, se dit quant à elle « peu surprise de la conclusion de ce rapport, qui est à l’image de la plupart des rapports d’enquêtes publiques ». Ce n’est pas pour autant qu’elle et ses compagnons de lutte vont baisser les bras : « La communauté de communes Centre Haut-Rhin doit se réunir ce mercredi. Nous serons présents pour distribuer des tracts. » Désormais, le collectif est dans l’attente de l’autorisation qui sera probablement accordée par le préfet. Alain Diot avait demandé un entretien au préfet, pour lui faire part de ses craintes. Une demande restée sans suite pour l’heure. « L’Alsace risque de devenir un couloir de distribution de cartons, chargés à bord de poids lourds », prévient-il. Le collectif a déjà annoncé qu’il était prêt à aller en justice.

Audrey NOWAZYK