Jusqu’à quand va-t-on supporter l’hypocrisie du gouvernement sur l’écologie?

Ce n’est pas sans raison qu’aucun écologiste digne de ce nom ne participe aujourd’hui au gouvernement et ne peut y participer dans le contexte actuel.

 

La conjonction entre la position prise par la convention citoyenne, censée représenter la société civile, le positionnement des écologistes pris dans leur ensemble, et les réactions des autres formations politiques à leur égard, suscitent bien des réflexions.

Tout d’abord, force est de constater que les recommandations, pas aussi radicales que certains conservateurs voudraient le faire croire, vont indubitablement dans le sens des propositions faites par les écologistes, et ce depuis longtemps. Les prises de position en faveur des énergies renouvelables, des transports doux, de l’abandon des produits phytosanitaires, d’une agriculture biologique et durable, de la rénovation thermique des bâtiments etc., rejoignent en effet les programmes des différentes formations écologistes. Cette orientation, loin d’être évidente à l’origine, démontre le caractère rationnel et fondé de la demande d’une société plus juste et plus écologique.

Ce faisant, elles ne font que confirmer les sondages les plus récents qui montrent très clairement que l’opinion publique fait désormais des questions du climat, de la santé publique et de l’environnement des aspirations essentielles, d’une importance équivalente à celle du pouvoir d’achat ou de la lutte contre le chômage.

Les forces politiques traditionnelles l’ont bien compris, à commencer par le gouvernement, la République en marche tout comme ses alliés, qui ne cessent de se référer à l’importance du critère écologique dans la reprise, ainsi qu’au caractère majeur de la lutte contre le dérèglement climatique dans leurs différents choix. Mais la réalité est tout autre et communication n’est pas action; depuis 2017, nous assistons en effet à une régression constante du droit de l’environnement. Et les décisions concrètes prises dans le cadre de l’urgence sanitaire ont fait une abstraction complète de la question environnementale et climatique. Il va de soi que ce positionnement ne permet en aucune manière à des personnes convaincues de l’urgence de la crise écologique de s’allier à des personnalités issues d’un mouvement pratiquant un grand écart décomplexé entre ses paroles et ses actes. Quant à LR, indépendamment de quelques personnalités réellement convaincues de l’urgence écologique, la philosophie générale est bien celle d’une priorité absolue donnée aux considérations économiques sur les considérations sanitaires et/ou environnementales. Or, tout est une question de priorité.

Sur le plan politique, cette situation s’est traduite par des alliances entre LR et LREM, voire même parfois comme à Lyon avec des forces issues des socialistes, pour contrer les écologistes, présentés comme des “pastèques” (verts à l’extérieur, rouges à l’intérieur). Il est indéniable que les écologistes, devenus pour la première fois dans un certain nombre de villes, la première force alternative, ont systématiquement, dans le but d’un rassemblement indispensable pour un deuxième tour, réunit toutes les forces de gauche derrière eux, y compris de l’extrême gauche. Mais ce rassemblement n’a pas toujours pu se faire, comme à Strasbourg où la coalition LREM/LR peut l’emporter du fait de l’absence d’accord entre les verts et le PS.

Pour autant, cette alliance systématique des écologistes et de l’extrême gauche, le parti socialiste étant devenu presque transparent dans de nombreux cas, pose problème. En effet, il est évident que le centre d’équilibre en France n’est pas à l’extrême gauche et qu’un certain nombre de positions concernant d’autres thématiques que l’écologie, comme le communautarisme et un refus complet de l’économie de marché, empêchent nombre de nos concitoyens de rejoindre la mouvance écologiste.

L’exemple des Verts en Allemagne, qui permettent en fonction des programmes et des personnes, des alliances avec la CDU ou avec le SPD, devrait nous inspirer. De grands Länder y sont actuellement gouvernés par des alliances entre écologistes et centre-droit, ce qui en France aujourd’hui n’est pas possible. Cela pour deux raisons: d’une part, en raison de la trop grande faiblesse de la mouvance écologiste modérée ou réaliste par rapport à la mouvance fondamentaliste; d’autre part, à cause de l’attitude et de la politique menées par la droite et le centre-droit, largement responsables, pour des raisons idéologiques et historiques, du rapport de force au sein du mouvement écologiste.

Il est donc indispensable que les écologistes se regroupent et on ne peut que se réjouir de ce qu’une dynamique soit lancée à cet égard, tous les mouvements écologistes ayant été regroupés pour la conquête d’un certain nombre de villes. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, la volonté hégémonique de EELV à l’égard de ses partenaires semble se manifester, comme celle manifestée par le parti socialiste à l’égard des Verts. Il est donc impératif, dans l’intérêt même du mouvement écologiste et surtout dans l’intérêt de nos concitoyens qui souhaitent des transformations profondes dans la prise en compte de la dimension écologique et sanitaire et qui associent de plus en plus les injustices sociales aux injustices écologiques et sanitaires, qu’un nouvel équilibre soit trouvé au sein de la famille écologiste.

Les mouvements GE, CAP21, AEI mais aussi sans doute Liberté, Ecologie, fraternité et les coopérateurs de EELV doivent s’organiser dès maintenant pour peser réellement et offrir un visage pragmatique et réaliste à l’écologie. C’est en rendant les choses possibles, justes, faisables pour le plus grand nombre que les progrès peuvent être accomplis et non en restant dans des postures idéologiques qui excluent, comme au bon temps du stalinisme. Un équilibre entre verts et non verts au sein de la famille écologiste est la condition du succès complet de cette famille.

S’ils veulent envisager des alliances avec les écologistes, les centristes doivent changer de braquet. L’hypocrisie qui consiste à se dissimuler derrière de grandes promesses “pour dans 20 ou 30 ans” et derrière des discours “plus écolo que moi tu meurs”, n’est pas supportable. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’aucun écologiste digne de ce nom ne participe aujourd’hui au gouvernement et ne peut y participer dans le contexte actuel.

Il est grand temps que la France sorte du XXe siècle pour entrer dans le XXIe,, celui de l’écologie capable d’orienter l’économie sous la forme d’une ”écolonomie”, une économie totalement repensée dans sa comptabilité, sa fiscalité, ses choix d’investissement, en fonction de l’impératif écologique et sanitaire, puisque climat, biodiversité et santé ne font qu’un.

 

THOMAS SAMSON via Getty Images
“L’hypocrisie qui consiste à se dissimuler derrière de grandes promesses ‘pour dans 20 ou 30 ans’ et derrière des discours ‘plus écolo que moi tu meurs’, n’est pas supportable” selon Corinne Lepage. Sur la photo, Jean Castex au journal de 20h sur TF1, le 3 juillet 2020.